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JOUR 8  - PARC DU HUERQUEHUE

Ça valait le coup d'attendre. J'avais abandonné mon carnet quelques jours entre Valparaiso et l'endroit d'où j'écris actuellement. Non pas que ça m'ennuyait, mais raconter ses journées dans un environnement urbain revient toujours à peu près à la même chose. J'ai donc quitté Valparaiso le 25 au soir pour me retrouver le lendemain matin à Pucon après 10 heures de bus sans encombres. Nichée au bord d'un lac et au pied du volcan Villarica, c'est la station balnéaire « haut de gamme » par excellence. La municipalité exige que tous les bâtiments soient en bois. Avec l'ambiance « montagne », ça fait ressembler le tout (toutes proportions gardées) à Verbier. C'est le point de départ de toutes les activités d'extérieur qu'on peut imaginer (rafting, kayak, canyonning, parapente, etc...) et un bon endroit d'où partir pour explorer les environs. Ca tombe bien, c'est ce que je veux faire.

 

J'ai trouvé un hostal au nom prédestiné de « Paradise Pucon » où j'ai chopé un lit dans un dortoir de 4. L'endroit est un vrai havre de paix où la gérante me prévient en arrivant : « Ici, on aime bien les animaux ». Je suis vite comblé puisqu'en effet, 3 chats, dont une mère d'un an et demi à peine et son chaton de 2 mois, et un chiot occupent les lieux. Ils égayent mes 2 journées où j'attends que le ciel se dégage pour partir dans le Huerquehue pour mon 1er trek. En attendant, je trouve tout le matériel nécessaire (tente, réchaud acheté à Valpo, tapis de sol, matériel de cuisine) et fais mes provisions de bouffe. Les rayons de nourriture « énergétique » n'existent pas ici, donc je me contente des fondamentaux : riz et nouilles à cuisson rapide, soupes, compotes, barres de céréales. J'ai également l'occasion de discuter avec des Chiliens, un Brésilien et une Mexicaine de passage à Pucon. L'Espagnol reste rudimentaire mais ça va, je me fais comprendre. Je pars donc pour le trek des lacs du Huerquehue le 28 au matin, avec un bus repéré la veille grace au Lonely Planet.  

Arrivé à l'entrée du parc, c'est la grande foule. Une queue de 25 bons mètres s'est formée devant le bureau de l'accueil, où l'on doit s'acquitter des droits d'entrée. Je tombe sur un 1er lac splendide, le Tinquilco, dans lequel se reflète parfaitement la forêt qui envahit les collines. Je progresse dans des sous-bois où, la pluie des derniers jours aidant, la végétation est luxuriante. Deux fleurs, jaune et orange, retiennent particulièrement mon attention. On les croirait sorties tout droit d'un jardin botanique.

 

Après une grosse bavante de mise en bouche, j'arrive au Lago Verde où je tombe sur un couple de britanniques, John et Alysson (qui est juge pénal) de Manchester (mais supportent Liverpool). Je prends leur rythme et discute avec eux pendant 40 bonnes minutes avant que nos chemins divergent. Leur compagnie n'était pas de trop dans ces chemins en sous-bois qui n'en finissent pas. Au détour d'un virage, je bascule alors en 10 mètres d'une végétation quasi-tropicale à un univers purement alpestre. J'étais arrivé sans le savoir au mirador « Rupahue » d'où un splendide panorama de moyenne montagne s'offre à moi. En changeant de versant, on passe d'un monde à l'autre. C'est un des traits marquants de cette Patagonie sauvage que je découvre peu à peu.

 

La descente vers le « camping » est plus longue que prévue, et je suis bien content d'en finir au bout de 5h30 de marche. À mon arrivée, 2 locaux sur le départ qui me passent le « flambeau » : le camp est désert, en pleine nature. Des pics aux pentes escarpées cernent la clairière où la seule intervention humaine se limite à 2 tables en bois installées de part et d'autre. Une fois la tente (rapidement) plantée, je m'allonge dans l'herbe et me délecte du soleil de cette belle après-midi de janvier. Je précise le mois car en chemin, et alors que je galérais avec mon fardeau sur les épaules, j'ai pensé à ce que la plupart des personnes que je connais faisaient probablement au même moment. J'ai bien de la chance, le tout est de s'en rendre compte.

Jour 9 - Termas de Rio Blanco

Vendredi 29 janvier – Un paradis sur terre

 

Je n'aurais sûrement pas titré ces lignes de la même manière il y a de ça quelques heures, mais là, c'est vraiment le mot qui convient. Reprenons les choses dans l'ordre. Hier soir, bonne soirée paisible près de la tente, seulement dérangé par le passage d'un renard pendant que je lisais « Tierra del Fuego », puis par deux superbes chevaux venus paître devant ma tente. J'avais quelques appréhensions à boire l'eau du torrent près du campement mais tout va bien. Je passe une bonne et longue nuit de sommeil (réveil à 10h). L'endroit est très humide et les parois de la tente sont gorgées d'eau au réveil, pas grave. Je traine pour lever le camp, ralenti par le beau soleil, puis finis par décoller vers 13h. Ah oui, la bouffe que j'ai ramenée (riz à la « napolitaine » lyophilisé et soupe) fait l'affaire. Rien de fou mais de quoi me caler l'estomac, et c'est là l'essentiel. La marche du jour est encore une fois éprouvante. Une première montée en sous-bois me met directement en jambes. Certains passages, inondés par les récentes pluies, m'obligent à quelques acrobaties rendues un peu plus périlleuses par mon encombrant paquetage. Beaucoup de boue, puis un joli col de montagne où d'impressionnants troncs d'arbres blanchis par les incendies passés se dressent encore fièrement le long du sentier. S'ensuit une longue descente où je m'égare pendant 20 bonnes minutes et me retrouve sur un chemin forestier bien escarpé, en compagnie de vaches bien surprises de voir un marcheur déranger leur promenade.

 

Je m'étais engagé sur la mauvaise rive du Rio Blanco, et je dus rebrousser chemin pour retrouver ma trace. Après 3h30 de marche rendue éprouvante par le soleil qui cogne fort, avec l'altitude décroissante, j'arrive dans la zone du « Camping Ecologico » où je dois passer la nuit. Je tombe sur une baraque où une femme perchée dans un arbre m'indique le chemin. Je me fais accompagner par une jeune fille qui me guide jusqu'au site que je crois n'être qu'un modeste bout de terre où planter ma tente. La gérante qui m'accueille, à peine plus âgée, me fait alors comprendre que je suis bien aux « Termas de Rio blanco » et qu'en plus d'un emplacement où planter ma tente, je dispose 10 mètres à côté de 3 bains d'eau chaude naturelle, au beau milieu des rochers. Sur le coup, je n'accueille pas la nouvelle avec plus d'enthousiasme que cela. Je suis plus occupé à faire connaissance avec Lee et Nathaly, un couple australo-britannique au cœur d'un voyage d'un an en Amérique du sud.

 

Ils me racontent un peu de leur périple dans le sud patagonien, et leurs aventures en Antarctique ainsi que dans le parc des Torres des Paine que j'écoute avec attention. Le courant passe de suite très bien, et un bon verre de vin chilien offert par Nathaly vient accompagner nos discussions. Entre temps, je connais l'extase (le mot n'est pas trop fort) d'une baignade dans une eau à 40 degrés après deux jours d'effort. Aussitôt les pieds dans l'eau, j'en rigole de bonheur pendant deux bonnes minutes. Alors qu'il y a une heure, je maudissais la terre entière de ces bretelles qui me meurtrissaient les épaules, me voilà à me prélasser en pleine nature dans une bain d'eau chaude, le tout sous le soleil radieux de cette fin d'après-midi. La récompense est d'autant plus jubilatoire qu'elle est complètement inattendue. Je pensais que les termes étaient un établissement à part, et j'avais presque déjà fait une croix dessus. Désormais, je profite de la divine surprise. J'ai pris le dîner après Lee et Nathaly, avec un bon bol de nouilles au bœuf tandis qu'ils me montraient leurs photos de pingouins en Antarctique. Encore une fois, tout va bien. Pourvu que ça dure.

Jour 10 – Termas de Rio Blanco

Samedi 30 janvier – Un coup dans l'eau-

 

Le résumé sera assez bref. Suite à un lever bien tardif, j'ai pris la décision de m'octroyer un jour de plus ici. Lee et Nathaly lèvent le camp vers 12h tandis que je tue le temps à m'écouter le triple best of de Joe Dassin en me faisant griller au soleiL Cette journée très (trop) peu active a au moins le mérite de mettre un peu d'ordre dans la suite de mon parcours. Suite aux discussions avec Lee et Natalie, qui m'ont averti de sa difficulté, je ne ferai pas le trek du Cerro Castillo. Cela me permettra de rajouter un trek (plus court) dans le massif du Fitz Roy où je pourrais ainsi voir le mythique Cerro Torre. En attendant, je me prépare à l'enfer demain, puisque je compte faire le trajet retour d'une traite jusqu'au Lago Tinquilco d'où je prendrai le bus de 17h vers Pucon. Je parle bien d'enfer car les températures ont bien grimpé, conformément aux prévisions de mercredi qui annonçaient dimanche comme la journée la plus chaude. En bref : ça va chier. Mais au moins, je sais ce qui m'attend. Quand vous me lirez, souhaitez moi bon courage pour la page qui suit.

Lago Toro - Huerquehue
Nul au cache-cache
Bêtes sauvages
Et là, soudain, cheval
Cuisinella

Jour 11 - Rio Blanco – Tinquilco – Pucon

Dimanche 31 janvier – Cercles vertueux

 

C'est un cas d'école. Alors que je finissais la journée d'hier « au fond du seau », avec la gorge nouée au moment d'engloutir mon riz à la napolitaine, je conclus ce dimanche euphorique. Tout a changé en moins de 24 heures. J'ai réalisé hier que l'oisiveté dans un voyage en solitaire est dangereuse. À peine quelques heures de trop passées au même endroit sans personne et me voilà qui divaguais sur fond de déprime, me répétant comme refrain « Mais qu'est ce que je fous là ? ». C'est une vraie bonne leçon : ce samedi, je ne me reposais pas en bonne conscience, mais je perdais du temps « inutilement » dans un endroit que j'aurais dû quitter la veille. Au soir de ce samedi, je me suis fixé comme mission d'honneur de prendre ma revanche sur moi-même ce dimanche, au cours d'une journée que je voulais remplie au maximum, comme pour compenser le manque de la veille. Le réveil programmé à 6h20 n'est d'aucune utilité, j'étais éveillé depuis le milieu de la nuit. Le thermomètre a bien grimpé en 24 heures, je le vois et le sens en sortant de la tente. Pas de rosée, zéro humidité : le soleil va cogner et il faut partir tôt. Résultat : je quitte le campement à 6h45 après un paquetage express.

 

Le frais me va bien mieux, je le sais. D'ailleurs, avec ces horaires, je retrouve le rythme qui était le mien au Népal (et qui m'avait bien réussi) : partir très tôt, profiter du matin pour avancer, et conclure en début d'après-midi. Une bonne journée de trek commence très tôt et se finit vers 14h max. Voilà la leçon dont je me suis enfin rappelé. Mes jambes répondent mieux, je le sens. Après tout, il fallait bien un temps de réadaptation à ce type d'effort si particulier. La partie finale du 2ème jour, qui m'avait semblée durer une éternité, est avalée au pas de charge en moins d'une heure. En ces heures (très matinales), je ne croise que quelques vaches et un couple de grues qui papotaient dans les hautes-herbes. Je ne mets que 2h32 à rallier le site où j'avais passé la nuit du 1er jour. S'ensuit le mur menant au Mirador Renahue, exposé plein sud, et où le soleil tape déjà fort. J'atteins le sommet du Mirador peu après 10h, soit largement en avance sur les « temps de passage » que je m'étais fixés pour choper le bus de 17h. Désormais, je vise le bus de 14h15 mais il ne faut pas trainer en route. L'énergie qui me porte aujourd'hui est particulière, comme si je voulais me venger de mes moments de creux de la veille. Je prends le chemin du splendide « Lago Toro » que je n'avais pas vu à l'aller. Le temps chaud et sec semble réveiller les petites bêtes volantes et c'est bien chiant. Je me fais harceler pendant une bonne heure par des taons insistants dont je parviens à me débarasser à coup de grandes tartes dans la gueule. Pas très esthétique, mais très efficace. Jusqu'en tout début d'après-midi, je croise au total zéro personnes sur le sentier, me faisant même envisager l'hypothèse d'un parc fermé, face à la solitude absolue dans laquelle je traverse cette journée. Je croise au final les premiers groupes aux abords du Lago Chico. Un couple à qui je dis bonjour me rapporte spontanément une liasse de billets que j'avais fait tomber de ma poche. Les chiliens sont vraiment cool.

 

Dans les derniers kilomètres et au cours de la descente très raide qui mène au Lago Tinquilco, j'aperçois par surprise et pour la 1ère fois le Villarrica en entier, avec son majestueux dôme de neige. En bas, l'air est suffocant. Peu de gens d'ailleurs se sont lancés dans une rando aujourd'hui. Pendant que je parcours les ultimes hectomètres de la piste poussiéreuse et sous un cagnard à faire évaporer la mer, un pick up s'arrête à ma hauteur. Une mère et sa fille de 12 ans me proposent de me prendre en stop jusqu'aux environs de Pucon. Je jette volontiers mon sac à l'arrière du pick up et me cale à l'arrière, pratiquant au passage mon espagnol rudimentaire pendant la petite demi-heure de trajet. Cette sympathique mère de famille venait de m'épargner une bonne heure et demi d'attente en pleine chaleur. Les Chiliens sont vraiment VRAIMENT cool. Déposé à 5-6 kilomètres de Pucon, à un arrêt de bus le long d'une nationale, un autre gars 'empresse de me proposer sa bouteille d'eau qu'il m'ordonne de finir. Dans la foulée, il me fait embarquer dans le bon bus, grâce auquel je finis ce joli périple de 4 jours. Les Chiliens sont vraiment cool, mais ça, je l'ai déjà dit.

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Jour 12 - Pucon

 

Bon, ça ira vite, vu que ce lundi fut le jour de récup par excellence : cette fois, je ne fais rien, mais en toute bonne conscience. L'évènement le plus trépidant de la journée est sans doute le gros gouter-diner que je m'offre dans un resto de burgers en terrasse face au Villarrica. Y a personne, je suis peinard, bref, tranquille. La chaleur est en revanche harrassante : le thermomètre tape dans les 37-38 et tout effort doit être savamment calculé. Raison de plus pour trainer et m'envoyer deux pintes de « Crater », la bière locale, que je tombe avec plaisir. Je chope également mon billet de bus pour Puerto Montt, départ 11h. Ca me permet de dormir, et de pas arriver trop tard. Futé.

PUCON PLAGE
(le gros truc blanc au fond, c'est un volcan)
Toujours aussi nul au cache-cache
Lago Toro et un sac trop lourd

Jour 13 Pucon-Puerto Montt

Mardi 2 février

C'est qu'il pèse lourd ce sac. Si j'avais pu laisser quelques affaires à l'hostal pendant le trek, là, je voyage avec toute la maison sur le dos et ça se sent. Heureusement, le temps est gris et je quitte Pucon sous une relative fraicheur direction Puerto Montt. J'embarque dans un bus de la JAC direction plein Sud. La seconde partie du trajet de 5h est agrémentée du volcan Osorno, dont l'imposant cône de neige surgit du paysage. Nous faisons un arrêt dans la ville du même nom, qui n'a de ce que je vois pas grand chose d'attirant.

 

J'arrive à Puerto Montt vers 16h sous un beau soleil, dans une gare routière flambant neuve qui tranche avec l'impression générale que laisse la ville : celle d'une cité portuaire usée et sur le déclin, d'où se dégage un charme triste et romantique à la fois. En chemin vers les bureaux de la compagnie « Navimag », dont je prendrai le ferry à destination de Puerto Aysen, les panneaux « A vendre » défilent. Les vieilles bâtisses délaissées du quartier du port trahissent la décadence de cette ancienne porte du « Grand sud ». Des vieilles motrices de train et des grues sont d'ailleurs exposées sur le front de mer, aujourd'hui sans doute trop grand pour la ville, pour rappeler son glorieux passé.

Pourtant, l'après-midi est douce et les gens s'amusent, comme avec cette fête foraine installée sur la digue. La plage la plus proche est située sur la presqu'île à l'ouest de la baie, tandis qu'aucun bateau ne sillonne ses eaux. En parcourant les rues, j'ai la vision frappante d'un hôtel-restaurant placé à l'angle de deux artères principales du centre-ville, fermé, aux facades décrépites. Les locaux semblent en vente depuis de longues années vu la poussière sur les vitres, mais personne ne se presse au portillon. Les temps ont dû être durs ici, et les murs en témoignent. Face à la mer s'élance un immense mat duquel pend un imposant drapeau chilien bien trop lourd pour se laisser porter par la brise. C'est peut-être l'image de ce qu'est la mélancolique Puerto Montt : un vieux géant aux souliers soudainement devenus bien trop grands, fait prisonnier de ses ancestrales ambitions.

Jour 14 – Puerto Montt

Mercredi 3 février

 

Je fais mes réserves. Toujours pas de nourriture énergétique en vue, alors je reste dans le classique avec mes nouilles chinoise et mes soupes rapides. Je tombe sur un magasin de bricolage/quicaillerie où je chope deux cartouches de haz à 2600 pesos l'unité. Je le note, car par curiosité on verra à combien les mêmes sont vendues près du Fitz Roy où dans les Torres del Paine. Grâce au wifi de l'hôtel, je jette un œil aux prévisions météo : c'est pas brillant. De la pluie est annoncée à partir de lundi, presque tous les jours, avec des températures en chute libre. Aïe. Mais en même temps, soyons lucides : je ne traine pas ma carcasse jusqu'aux montagnes les plus au Sud du globe pour me faire griller au soleil. Deux cas de figure : 1) La météo se plante, et je me ferai plaisir dans le « confort » de conditions favorables. 2) La météo a raison, et je ferai face à ce que je suis venu chercher : une Patagonie dure, éprouvante, et dont les merveilles se méritent. En bref, du froid, du vent, et de l'incertitude. L'aventure quoi. Dit comme ça, ça va déjà mieux.

Ticket to ride
Continuer vers le sud
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